Le 23 mai dernier, Steven Laureys, éminent neurologue et pionnier de la recherche en neurosciences en Belgique, a marqué les esprits à Viva Technology à Paris. Invité par Wallonie-Bruxelles International (WBI) et l’Agence wallonne à l’exportation et aux investissements étrangers (AWEX), il a offert une expérience fascinante aux côtés de Frédéric Mazzella, fondateur de BlaBlaCar et Captain Cause.
Dans cet entretien exclusif, le professeur de clinique au Centre du Cerveau du CHU de Liège, Directeur de recherches au FNRS et professeur au Centre de recherche CERVO (Université Laval) de Québec, nous exprime sa passion pour les avancées technologiques et discute des spécificités du cerveau des entrepreneurs. En explorant les intersections entre les neurosciences et les technologies, Steven Laureys partage également ses réflexions sur l'intégration de l'intelligence artificielle dans ses recherches.
Comment votre présence à Vivatech s'inscrit-elle dans le cadre de vos recherches sur le cerveau ?
"Je suis très heureux d’être ici. En tant que clinicien, c’est important de rester au courant des dernières technologies. Le salon Vivatech permet de suivre les évolutions et de comprendre les nouvelles possibilités qui aident à mieux comprendre le cerveau et l’esprit humain. Les interfaces cerveau-ordinateur et l’utilisation de l’intelligence artificielle sont essentielles pour faire avancer nos travaux de recherche et leur application clinique. De plus, VivaTech est un lieu idéal pour nouer des collaborations avec des partenaires industriels, ce qui est crucial pour le partenariat entre le monde académique, les start-ups et les technologies. Je crois fermement à ce modèle de collaboration, c’est du win-win."
Quels aspects du fonctionnement du cerveau distinguent un entrepreneur prospère des autres individus ?
" Etudier le cerveau de Frédéric Mazzela le fondateur de BlaBlaCar représente une opportunité exceptionnelle. Depuis quelques années, nous nous efforçons de comprendre l’esprit entrepreneurial, grâce au travail de Frédéric Ooms, chercheur à HEC-ULiège, en collaboration avec des partenaires au Québec, pour mieux accompagner les jeunes entrepreneurs. Nous avons observé des différences dans la structure cérébrale entre les entrepreneurs en série, ceux qui débutent, et les managers. Cela ne signifie pas que nous pouvons prédire qui deviendra entrepreneur, mais comprendre ces différences peut nous aider à mieux les accompagner. La flexibilité cognitive, c'est-à-dire la capacité d'un entrepreneur à s'adapter à une réalité en constante évolution, même en cas de privation de sommeil, est cruciale. Cette flexibilité peut être développée par des techniques telles que la méditation ou l’entraînement de l’attention. C’est pourquoi c’est une chance de pouvoir enregistrer l’activité cérébrale du serial entrepreneur Frédéric Mazzela et de partager ces données avec le grand public.
« La flexibililité cognitive et les habitudes de vie ont un impact sur les performances cognitives et le bien-être mental. »
Quelle pratique ou routine recommandez-vous pour améliorer nos performances cognitives ?
"Il y a une série de conseils de bon sens : nos habitudes de vie impactent notre fonctionnement cognitif et notre bien-être mental. Le sommeil est un facteur crucial, et non une perte de temps. Comme je l’explique dans mon livre 'Le sommeil, c’est bon pour le cerveau' il faut investir dans un sommeil de qualité. La méditation est également importante, même si elle souffre parfois de préjugés. En réalité, les neurosciences ont démontré que nous pouvons entraîner notre attention. Comme un sport. En tant que médecin, je prescris la méditation à mes patients, tout comme je leur prescrit de l’activité physique. Ces divers éléments améliorent nos capacités cognitives, et c’est un message important pour les entrepreneurs et pour tous."
Quelles avancées technologiques présentées à Vivatech vous passionnent le plus en tant que chercheur sur le cerveau et la conscience ?
"Il y a plusieurs technologies intéressantes, notamment celles liées à l’enregistrement de l’activité cérébrale, comme les ‘wearables’ et les montres connectées qui enregistrent la fréquence cardiaque et la température. Ces techniques responsabilisent les citoyens et leur permettant de jouer un rôle plus actif dans leur santé. En tant que médecin, je vois souvent des patients qui cherchent une pilule pour résoudre chaque problème. Je suis convaincu que la médecine de demain donnera un rôle plus central aux citoyens, tant en prévention qu’en traitement curatif. La complémentarité entre une médecine hyper spécialisée et les actions que chacun de nous peut entreprendre est essentielle. Il est fascinant de suivre les évolutions technologiques et l’application de l’intelligence artificielle dans ce domaine, même si je ne crois pas en la notion d’une conscience artificielle. Mais ça, c’est un autre débat."
Article rédigé par Yeleen Luypaert - Délégation Wallonie-Bruxelles à Paris
Photos : Jérôme Van Belle - WBI